Tribune de Jacques Bompard dans Valeurs Actuelles:

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Fort avec les faibles, faible avec les forts:

comIndulgente avec les criminels, notre société n’hésite pas à mettre à mort les enfants à naître, et peut-être bientôt les malades et les personnes âgées

Décidément, notre époque est pleine de paradoxes. Officiellement, la peine de mort a été abolie en 1981. Robert Badinter, dans un article du Monde en date du 9 octobre 2013, nous fait pleurer sur le sort du dernier criminel à avoir subi la peine capitale. Triste époque que nous vivons, où l’on s’apitoie sur le sort des coupables sans jamais se préoccuper de la victime, grande oubliée de notre société, subissant ainsi une double peine. Car il faut se rappeler des raisons de l’exécution de Hamida Djandoubi : celui-ci a été condamné pour actes de barbarie et torture jusqu’à la mort sur sa compagne de 20 ans qui refusait de se prostituer. Mais par idéologie, le crime est considéré aujourd’hui comme le fruit de la société, déresponsabilisant de fait les criminels. En témoigne le projet de loi de notre garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui viderait les prisons si par malheur celui-ci venait à être adopté.

La peine de mort, bien qu’ayant disparu du code pénal, est en réalité toujours d’actualité. Bien sûr, sa présence n’est pas aussi spectaculaire qu’une guillotine au milieu d’une cour de prison, mais elle se trouve dans des lieux où on l’y attend le moins, puisque ces lieux sont censés soigner. Les mouvements proeuthanasie poussent à rouvrir le débat, insatisfaits du médiocre statu quo de la loi Leonetti, unanimement votée en 2005. Le Parlement risque donc d’autoriser sous peu l’euthanasie, sous couvert d’humanisme habilement “marketé” et de droit à mourir dans la dignité. L’exemple de la Belgique devrait pourtant nous éclairer.

Voilà plus de dix ans que cette pratique y est autorisée, avec les dérives que l’on connaît si peu puisque contrevenant au politiquement correct régnant dans notre pays. À la lecture des dossiers, le comité d’éthique belge est dans la moitié des cas incapable de savoir s’il s’agit d’une euthanasie réellement justifiée, dossiers de toute façon étudiés a posteriori. Mais la marche vers le progrès continue : le Parlement belge vient d’élargir le texte aux mineurs “capables de discernement” et aux personnes atteintes de démence. L’application de ces nouvelles dispositions est actuellement suspendue à la signature du roi Philippe. Espérons qu’il saura se placer au-dessus de la mêlée et s’inscrire dans le temps long, celui de l’Histoire, pas celui de la politique. Rappelons que l’euthanasie est la cause de 2 % des décès dans le royaume.

En cette période de crise, la tentation d’effectuer des économies sur le budget de la Sécurité sociale en euthanasiant ceux qui coûtent trop cher à la collectivité est grande. Dans cette logique, pourquoi ne pas rétablir alors la peine capitale dans nos prisons, où la garde des détenus est tout aussi onéreuse pour le contribuable que les soins prodigués à nos aînés ? Il est vrai que les seconds ne sont pas victimes de la société mais des lois naturelles, que les socialistes tendent à nier à tout prix — le débat à propos du mariage homosexuel l’a encore récemment prouvé.

Le crime de masse ne fait pas peur à l’idéologie libérale-libertaire. La dépénalisation de l’avortement en 1975 par la loi Veil a pour conséquence plus de 200 000 interruptions volontaires de grossesse par an. Combien de temps encore notre société devra-t-elle subir le joug de cette idéologie mortifère, nous imposant sa culture de mort sous couvert de progrès et de libération de l’individu ? Albert Camus, dans son discours de Stockholm, disait : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »

Il est urgent de rompre avec cette spirale mortifère qui voudrait que l’Homme sorte de sa condition pour se faire l’égal de Dieu. Notre époque sera jugée sur sa capacité à prendre soin des plus fragiles, dès la conception de l’être humain à sa toute fin, ainsi qu’à défendre les innocents et protéger les victimes. Le Pr Jérôme Lejeune nous avait prévenus : « Il faut reconnaître que les maladies coûtent cher, en souffrance individuelle comme en charge pour la société. […] Mais ce prix, nous pouvons l’évaluer : c’est exactement celui qu’une société doit payer pour rester pleinement humaine. » Prenons garde à ce que notre civilisation ne perde son âme et ne s’autodétruise par péché d’orgueil.

Jacques Bompard

député du Vaucluse, maire d’Orange

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