Je crois que le mensonge est un parasite, le menteur un parasité, qui se gratte là où cela le démange.
Georges Bernanos, Les enfants humiliés
Enfin ! Avec le triptyque « protéger, tester, isoler », Edouard Philippe a exposé la stratégie d’évidence qui aurait pu nous éviter un confinement de 2 mois et la mort de l’économie française. Nous le disons depuis le début.
En expliquant qu’il fallait désormais se masquer, se faire dépister et se confiner en cas de maladie, le chef du gouvernement admet en creux plusieurs défaillances graves de l’Etat :
- La solution de bon sens était connue depuis le départ
- Elle était impossible à mettre en œuvre faute de moyens (pas de masques, pas de tests)
- Ce manque de moyens est dû à l’impréparation et à la faillite industrielle de tous nos secteurs stratégiques, de la médecine jusqu’aux usines d’approvisionnement
- Pour éviter une saturation des hôpitaux, il a donc fallu mettre le pays à l’arrêt
- L’économie a été tuée brutalement par la somme des trahisons de la Vème république : quand la santé est détruite depuis 40 ans et que l’industrie est dépecée et vendue, il n’y a plus de résilience nationale.
La bêtise du retour à l’école
Entre amende honorable, « devoir d’humilité » et appel au secours aux députés de la majorité, Edouard Philippe n’a pas eu le courage de lever le voile de la dernière hypocrisie manifeste : le retour des enfants à l’école.
Se réfugiant derrière un impératif pédagogique, argument fallacieux pour seulement un mois de cours, le Premier ministre n’a pas osé avouer ce qui est entendu de tous. Les écoles ouvrent pour permettre aux parents d’aller travailler. Le pragmatisme l’a d’ailleurs emporté à demi-mot : il a nettement conseillé de prioriser l’accès aux établissements aux enfants des parents qui travaillent sans pouvoir rester à la maison, et aux familles monoparentales.
C’est un discours qui peut s’entendre, et cette ouverture des écoles et des collèges (les lycées dont les élèves sont quasi autonomes ne sont pas concernés) devrait se limiter drastiquement à ces seuls cas. Comme il a été fait pour les enfants de personnels soignants.
Il faut donc que le gouvernement clarifie ce dernier point pour éviter de retomber dans la méfiance qu’il crée à force de mensonges et de mépris de l’intelligence des Français. Il faut accueillir seulement les enfants dont les parents travaillent. S’ils renvoient tous les enfants à l’école, il y a un risque de contagion massive et donc de reconfinement, et de spirale infernale. Autant adopter la même progression que dans les autres domaines, et attendre calmement septembre pour la rentrée.
Confessions
Qu’y a-t-il à retenir de cette heure de discours ?
Tout d’abord la reconnaissance partielle de mensonges et d’erreurs manifestes.
– Sur les masques tout d’abord : les différentes versions sur leur nécessité n’avaient pour cause que la pénurie et l’impréparation de la commande publique. Il est même confessé la crainte passée de manquer de masques chirurgicaux pour le personnel hospitalier. Il faudra en temps voulu examiner la causalité des responsabilités dans cette affaire.
L’Etat s’engage enfin à soutenir les collectivités dans l’achat de fournitures de protection en payant la moitié des factures, mais « à compter de ce jour ». Est-ce à dire que ceux qui ont déjà commandé les premières livraisons seront punis d’avoir été prévoyants ?
– Sur les tests ensuite. Edouard Philippe tente de se cacher derrière les avis contradictoires du Conseil scientifique, mais il ne fallait pas être grand clerc pour s’apercevoir qu’un dépistage massif était nécessaire pour juguler l’épidémie et suivre ainsi l’exemple des pays vertueux, Allemagne et Corée du Sud en tête.
L’indécision continue d’être la norme. Le 11 mai demeure encore hypothétique. Les hôtels, cafés et restaurants qui représentent plus d’1 million d’emplois et 300 000 saisonniers devront attendre fin mai pour avoir un avis sur leur réouverture.
La liberté de culte de nouveau bafouée
Enfin, et ce n’est pas le moindre, les lieux de culte demeurent officiellement fermés (hors dérogations) malgré la réouverture des écoles, des médiathèques et des commerces. Après Pâques, ce sont les fêtes majeures de l’Ascension et de la Pentecôte qui sont interdites de célébration de manière arbitraire. L’autorisation encadrée par de strictes consignes n’est même pas évoquée. Comme une ultime provocation, cette injustice sera potentiellement levée le 2 juin, deux jours après la Pentecôte.