Ambiance studieuse au VIe Bureau ce mercredi 12 octobre 2016. A l’appel de Jacques Bompard, accompagné de son invité Claire de la Hougue (avocate, membre du Centre Européen pour le Droit et la Justice) une petite assemblée s’était réunie pour aborder le thème de la clause de conscience des pharmaciens.
Lorsque, au printemps 2016, l’Ordre des pharmaciens propose d’inscrire une clause de conscience permettant à ce corps professionnel de « refuser d’exercer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine », il ne reçut du gouvernement que mépris et hostilité. Menaces, gesticulations du côté du Ministère des affaires sociales : le refus de la clause est sous-jacent. Devant l’injustice, le député de Vaucluse dépose une proposition de loi visant à instaurer une telle objection au sein du Code de Santé Public. Autour des longues tables du Vie Bureau, le silence se fait : on examine le texte, on s’interroge des motifs de l’émoi gouvernemental.
« Nous le voyons bien, commence Jacques Bompard, tout cela n’est pas simplement un dessein pratique. C’est l’accomplissement d’un projet philosophique qui préfère l’idéal au réel. » Un idéal dans lequel toute position alternative n’a droit de cité : suites aux pressions exercées par Laurence Rossignol, ministre chargé de la Famille, l’Ordre des pharmaciens a dû abandonner l’espoir d’exprimer toute objection de conscience quant à la délivrance de produits qu’il jugerait inopportun de prescrire à leur patient. Il en allait de la velléité du ministre, dont la contestation résidait en la potentielle remise en question de l’avortement que susciterait le recours à l’objection de conscience de la part des pharmaciens. Intolérable perspective, pour le ministre, que de laisser la libre possibilité au pharmacien de ne pas octroyer à son patient la pilule abortive RU486 ; « l’avortement médicamenteux représente environ 60% des avortements en France et peut être désormais réalisé en ville », souligne à cet égard Claire de la Hougue.
Renoncement exceptionnel : la France est l’un des rares pays où les pharmaciens ne disposent pas d’un tel recours. « Quarante-deux Etats du Conseil de l’Europe sur quarante-sept reconnaissent à des degrés divers la liberté de conscience des personnels de santé », indique encore l’avocate. Renoncement fallacieux : les autres professions du corps médical (médecins, sages-femmes, auxiliaires de vie,..) bénéficient de cette objection de conscience. Et des textes les plus fondamentaux, auxquels se réfère si promptement le gouvernement[1], on fait soudain fi d’un revers de main désinvolte…
Vivement appréciée par les convives, l’intervention de Claire de la Hougue a brillamment signalé l’écueil : « l’objection de conscience ne devrait pas avoir de raison d’être revendiquée dans le domaine médical »,établit-elle avec raison. Eu égard au respect du code civil[2] – qui garantit de toute atteinte à la dignité de la vie, ou au respect de la loi du 9 décembre 2015, dont la valeur constitutionnelle est formelle, l’objection de conscience est un droit. A cette qualité, s’ajoute celle du devoir, un devoir d’objection légitime devant un appareil législatif mésinterprété, obstrué par les tendances versatiles d’idéologues patentés. Dans la salle, la sincère déroute de l’auditoire face à cette posture gouvernementale le souligne : ces penchants partiaux n’ont aucune résonnance dans le pays réel…
Une journée studieuse, soulevant des questions fructueuses : on se sépare satisfaits d’avoir défriché une problématique difficile, sur laquelle un travail reste cependant à mener. Alors que sonne son glas de la réunion, le député de Vaucluse annonce le deuxième volet des études : une seconde journée de réflexion, offrant une parole libre aux pharmaciens qui souhaitent y témoigner, adviendra au début du mois de novembre. Car malgré la vindicte des autorités de santé qui nient en toute impunité l’objectivité légitime, « le combat n’est jamais terminé tant qu’il s’y trouve des lutteurs », souligne le parlementaire. « L’introduction de législations injustes place souvent les hommes moralement droits en face de difficiles problèmes de conscience. Les choix qui s’imposent sont parfois douloureux et peuvent demander de sacrifier des positions professionnelles confirmées ou de renoncer à des perspectives légitimes d’avancement de carrière », disait saint Jean-Paul II. C’est parce qu’il est intolérable que de tels sacrifices s’opèrent dans le dédain le plus complet, que Jacques Bompard ouvrait par cette journée à l’Assemblée Nationale un cycle de rencontres sur la question de la clause de conscience.
Retrouvez l’intervention de Claire de la Hougue ci-dessous :
[1] L’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. ». L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme. La réaffirmation du 7.10.2010 du Conseil de l’Europe, qui a souligné le «droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux ».
[2] « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » Article 16 du code civil.