Sur la notion de « pacte républicain »

pacte républicainM. Jacques Bompard attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la notion de « pacte républicain ». En effet, de nombreux responsables politiques utilisent cette expression sans en donner la moindre définition. On se souvient des déclarations de la ministre du logement au ministre de l’intérieur en septembre 2013 quand elle accusait ce dernier d’être allé « au-delà du pacte républicain » au sujet des roms. Le 22 octobre 2013 au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le Premier ministre affirmait quant à lui que « la règle commune c’est la base du pacte républicain et que le pacte républicain, c’est aussi l’égalité ». Quelques jours auparavant, le ministre de l’agriculture allait dans le même sens. Selon lui il existe « un pacte républicain qu’il faut soutenir ». Lors de ses voeux pour l’année 2014, l’actuel premier secrétaire du parti socialiste déclarait pour sa part qu’il souhaitait « une année plus apaisée, qui ne voit pas les mêmes dérapages, les mêmes débordements, les mêmes attaques contre notre pacte républicain que celles qui ont assombri 2013 », faisant en particulier allusion aux manifestations contre l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe : continuer de manifester après qu’une loi a été votée par les parlementaires mettraient en danger ce fameux « pacte ». À ce propos, le rapporteur socialiste à l’Assemblée nationale de la loi sur le mariage pour tous n’expliquait-il pas récemment que cette « loi est en application depuis huit mois maintenant, [et qu’]elle est entrée dans les habitudes et fait partie du pacte républicain » (février 2014). Ces quelques exemples montrent clairement que le « pacte républicain » n’est qu’une expression vague, sans contenu précis, servant uniquement à parer le discours d’une légitimité et d’une haute valeur morale qui ne souffriraient d’aucune critique. Il est donc très surpris qu’au nom de cette notion aux contours flous on puisse dire tout et son contraire, augmenter les impôts, constituer des « fronts républicains », exclure certaines opinions du débat public car jugées « nauséabondes » par les grands média et les responsables politiques… On ne trouve en effet aucune trace d’un quelconque « pacte républicain » dans les grands textes qui régissent les institutions françaises. Et pour cause, personne ne l’a jamais vu ni signé. Ce « pacte » incessamment brandi pour menacer ceux qui auraient le tort de ne pas s’y conformer n’a pas aucune existence juridique, législative ou constitutionnelle, pas plus qu’il ne désigne une réalité concrète. C’est un fait qui n’empêche pas certains politiques d’en appeler au « pacte républicain », comme s’il s’agissait d’un contrat dûment signé et accepté par la majorité des Français. Ces derniers seraient certainement curieux d’apprendre à quoi ce « pacte » les engage et d’en connaître l’utilité. Mais à en croire certains, le « pacte républicain », où chacun y met un peu ce qu’il veut, c’est sacré et il n’est donc pas question de mettre en doute son bien-fondé et encore moins la réalité de son existence. Il est également préoccupé par la façon dont les expressions « République », « valeurs républicaines », « pacte républicain » tendent à très largement remplacer les mots « France », « Patrie », « Nation ». La conséquence d’un tel glissement sémantique est la mise de côté, voire le reniement, de tout l’héritage multiséculaire du christianisme et de la monarchie comme si la France n’existait que depuis 1789. Il estime en outre abusif de circonscrire la France à un régime qui s’est plusieurs fois illustré par la férocité et la brutalité de ses répressions comme en témoigne le génocide vendéen. Le « pacte républicain » n’existe donc que dans l’esprit de ceux qui en font profession et dérive d’une conception abstraite et étroite de la France. Celle-ci est totalement déconnectée des réalités historiques, culturelles et territoriales du pays, ce qui entraîne une profonde méconnaissance des aspirations du peuple français en ces temps de crises morale, politique et sociale. C’est pourquoi il l’interroge sur la signification concrète de l’expression « pacte républicain » et lui demande d’en préciser le contenu pour que les Français soient au courant et sachent pourquoi et de quel droit, en son nom, des ministres et des responsables politiques se croient permis de décerner des labels de bonne ou mauvaise conduite à leurs adversaires politiques.
Cliquer ici pour lire la question sur le site de l’Assemblée.

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